Napoléon III inaugure le Palais du Commerce de Lyon.

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Dans un arrêté  du 16 août 1860, le préfet du Rhône Claude-Marius Vaïsse annonce la visite de l'empereur Napoléon III et de sa femme, l'impératrice Eugénie, à Lyon du 24 au 27 août pour inaugurer le nouveau Palais du Commerce.

Seize articles détaillent le programme et les dispositions générales de la visite. On apprend notamment que Napoléon profite de l'inauguration du Palais de Commerce afin de vérifier l’avancement des multiples modifications urbaines qu'il avait suggérées.

Tout au début du Second Empire Napoléon III décréta la transformation urbaine de Paris. L’évolution à l’allure sauvage de la capitale française depuis des siècles avait facilité les nombreuses émeutes depuis 1789. Les percées proposées en 1853 par George Eugène Haussmann permettaient aux forces de l’ordre de mieux contrôler l’espace public. Mais ce ne fut pas seulement pour des raisons de sécurité que ce réaménagement eut lieu. Les nouvelles artères étaient censées améliorer la situation hygiénique en apportant de l’air frais dans les quartiers et faciliter les trajets en ville. Le modèle haussmannien fut propagé par Napoléon III dans toute la France.
A Lyon, les travaux débutèrent pratiquement en parallèle avec la réorganisation parisienne, sous la direction du préfet du Rhône : les quatre insurrections des canuts, entre 1831 et 1849, avaient fait de Lyon la ville rebelle qui inquiète les dirigeants. C’est entre autre pour garantir l’ordre public que Vaïsse, le « Haussmann lyonnais », réalisa avec l’ingénieur en chef de la ville Gustave Bonnet plusieurs projets dont l’un fut le percement de deux axes rectilignes reliant l’Hôtel de Ville à la Place Bellecour : la rue Impériale, aujourd’hui rue de la République, et la rue de l’Impératrice, aujourd’hui rue du Président Édouard Herriot. 289 maisons furent rasées pour réaliser ce projet et leurs 12000 habitants environ expulsés vers des quartiers populaires, principalement dans le Vieux Lyon. Dans ce contexte, Vaïsse décréta, le 26 octobre 1855, la construction de trottoirs dans 381 voies de la ville[1] ainsi que, en février de la même année, des modifications dans la dénomination de certaines voies publiques de Lyon.[2] L’avancement de ces modifications urbaines fut la première chose que Napoléon III et sa femme vérifièrent suivant l’article 2 de l’arrêté du 16 août 1860, lors de leur visite à Lyon, en empruntant la toute neuve rue Impériale pour se rendre de la gare de Perrache à l’Hôtel de Ville.

Sur le côté sud de ce grand axe, le Palais du Commerce était en construction depuis cinq mois et demi. Son inauguration fut la raison de la venue de l’empereur à Lyon en cette fin août 1860. L’événement, auquel furent présents surtout les représentants du commerce et de l’industrie lyonnaise eut lieu le lendemain de l’arrivée de la délégation, le 25 août. Lors de cette fête pour la nouvelle fierté architecturale de Lyon tout semble avoir tourné autour de la soie, trésor industriel de Lyon : le couple impérial visita l’exposition de la soie du musée au Palais du Commerce avant de recevoir en cadeau des « étoffes de soie ».

Pour attester de le grande activité industrielle de la ville, les Lyonnais guidèrent le couple ensuite sur la « colline qui travaille », la Croix-Rousse. Lors de cette étape, il est fort probable que Napoléon put voir le progrès de l’instauration d’un réseau d’eau potable dans ce quartier rattaché à la ville depuis l’annexion de 1852. Napoléon III eut aussi l’occasion d’examiner l’évolution de la construction de l’Hôpital de la Croix-Rousse et de l’ouverture du Boulevard de la Croix Rousse sur les remparts[3]. Ces mesures avaient été prises par Vaïsse, comme Haussmann l’avait fait à Paris, pour améliorer non seulement l’hygiène mais aussi le bien-être général des citoyens.

Pour améliorer ce bien-être, Vaïsse décida de construire un parc dans le nord de la ville, le pendant du Bois de Boulogne à Paris : « A une population nombreuse et occupée comme la nôtre, dont la plus grande partie passe sa vie dans des habitations où l’air et l’espace sont mesurés d’une manière souvent insuffisante, il fallait un lieu où elle pût aller, quelquefois, oublier le travail et respirer un air plus libre et plus frais que celui des ateliers. […] Vous avez choisi pour cette destination, le domaine de la Tête d’Or… »[4] Il est bien évident que Vaïsse guida le couple impérial à cet endroit également en proposant « une promenade dans la ville et au Parc de la Tête d’Or ».

Au-delà de ces travaux centraux de réaménagement, qui visaient à accroître la sécurité, d’hygiène et d’une modernisation de la circulation urbaine, Lyon vit de nombreuses modifications urbaines durant le mandat de Vaïsse qui décéda en fonction en 1864: entre autres les viaducs de chemins de fer et le tunnel ferroviaire sous la colline de Fourvière qui relie désormais la Gare de Vaise à la Gare Perrache. C’est ce tunnel qui permit à Napoléon III de descendre sur la Presqu’Ile pour commencer sa visite. De la gare des Brotteaux, que Vaïsse avait également fait construire, Napoléon III et sa famille quittèrent la ville en direction de Genève le 27 août 1860 vers midi.

Pour finir, il convient de signaler que cette visite lyonnaise de Napoléon n'était pas simplement destinée à l'inauguration du Palais du Commerce. C’était également pour l’empereur l’occasion de constater l’avancement des transformations urbaines qu’il avait initiées, à Paris d’abord, puis dans toute la France et que le préfet Vaïsse et l’ingénieur en chef de la ville Bonnet avaient pratiquement finies de réaliser. Ce fut en 1863 que Bonnet dressa le plan final des modifications.[5]

[1] Vaïsse, Claude-Marius: Construction de Trottoirs. Arrêté. Lyon: 26.10.1855. http://www.fondsenligne.archives-lyon.fr/ac69v2/visu_affiche.php?PHPSID=b370881f052b01ba6c1f90bce30d8ed5&param=visu&page=3366
[2] Vaïsse, Claude-Marius: Modifications apportées dans la dénomination de diverses voies publiques de la ville de Lyon.Lyon: 17.02.1855. http://www.fondsenligne.archives-lyon.fr/ac69v2/visu_affiche.php?PHPSID=b370881f052b01ba6c1f90bce30d8ed5&param=visu&page=1840
[3] Archives de Lyon: "Claude-Marius Vaïsse (1853 – 1864)", cf. bibliographie.
[4] Vaïsse, Claude-Marius: Rapport présenté par M. le Sénateur, Chargé de l’administration du département du Rhône, au Conseil municipal de Lyon sur l’etat des travaux et des finances de la ville. Lyon: 20.11.1857, p. 4.
[5] http://www.gadagne.musees.lyon.fr/index.php/histoire_fr/Histoire/Entete/Liens-menu-gauche/Ecoutez-l-histoire/19e-siecle#

Bibliographie